Test rp

Une toile pouvait-elle donc avoir plus d'âme que celle-ci? Non, ce n'était pas possible. Ou si cela l'était, alors jamais l'artiste l'ayant créé ne l'avouerait.

Il avait passé tant d'années dessus, tant d'années à rêver du résultat final, à la magie de son tableau. Il avait agit en secret, poussé par l'ambition folle qui animait son coeur et lui faisait saisir ses pinceaux et sa palette toutes les nuits. Lui, Gabriel Eternam, peintre attitré de la famille Impériale. Si l'on découvrait cette toile, si l'on apprenait ce qu'elle représentait, le jeune homme n'aurait même pas la chance de mourir sous la main du bourreau. Non, il serait condamné à l'éternelle torture réservée aux coupables de Haute Trahison.

Parce que cette toile qu'il peignait, en cet instant précis, cette toile représentait l'espoir d'un autre monde dont il avait découvert l'accès. Un univers vierge, habité de rêves et de démons, un univers où tout semblait être possible. L'ambition folle du peintre n'était pas de le coloniser, encore moins d'en utiliser les ressources à des fins commerciales. Non, une guerre était en préparation, de laquelle dépendait l'avenir de l'Empire, et ce monde inconnu pouvait aider à la gagner. Parce que l'Empire n'était pas unanimement apprécié, et que le désir de liberté avait commencé à croître depuis plusieurs années dans le coeur de certains sujets, dont le peintre légendaire de la Sainte Famille Mundista. Et puis la Résistance s'était organisé, peu à peu, sans faire de vagues, attendant son heure.
C'est à ce moment que Gabriel avait découvert le moyen d'accéder à cet univers chimérique et fantasque où la magie était décuplée, mais où le danger était si présent. Il avait alors eu l'idée de créer ce tableau, ce même tableau qu'il était en train de finaliser, dans le but de permettre aux autres membres de la Résistance d'accéder au monde, qu'il avait baptisé Essterant. L'artiste avait pris le temps, aux cours de ces nombreuses années, de visiter Essterant, d'analyser la faune et la flore, d'évaluer le danger. A présent, il allait enseigner aux autres insurgés ce qu'il savait... Le projet était simple: faire de cet univers un lieu secret où la Résistance pourrait s'organiser en vue de la bataille imminente contre l'Empire. Essterant était une terre fertile, changeante aux grés de l'imagination de ses habitants. Un endroit parfait pour préparer une guerre, et surtout, un atout non-négligeable, puisque tout ce qui était imaginé dans cet univers prenait vie...

Gabriel donna le coup de pinceau final. Un sourire épanoui fleurissait sur ses lèvres. Certes, ce n'était pas la fin de son travail, loin de là, mais c'était une victoire. Déjà, la toile semblait se teinter de couleurs plus vives, en même temps qu'il se mettait à émaner d'elle une diffuse impression d'exaltation et d'inconnu. Les yeux de son créateur brillaient, reflétant l'étrange lueur douce et doré de la toile. Il avait fini, enfin. Avec un soupir, l'artiste blond posa ses pinceaux et sa palette, et s'installa confortablement dans un fauteuil marqueté qu'il avait installé non loin de son chevalet. Il attendait. En effet, Gabriel avait donné rendez-vous à la dirigeante de la Résistance dans son appartemment, parce qu'il avait parfaitement conscience qu'il allait finir sa toile ce soir. Maintenant que c'était chose faite, maintenant que tout était prêt, il avait le temps de se détendre un peu avant que les affaires ne reprennent. Le jeune homme se servit un verre de liqueur, et retourna à la contemplation de son oeuvre. Il était hereux, tout simplement. Heureux de l'avoir fini, heureux d'avoir accompli cela pour son idéal. Et puis, il pouvait profiter de sa situation de créateur de la porte d'entrée vers Essterant pour recevoir Alyss chez lui...

Gabriel ferma les yeux un instant. Depuis qu'il avait décidé de se consacrer tout entier à la peinture secrète de sa toile, il avait du s'absenter des réunions de la Résistance, n'ayant plus de contact hormis avec la famille Impériale qu'il continuait à servir avec une fausse dévotion, et ne pouvant que croiser en baissant les yeux la jeune femme.
Oh, il l'adorait, la dirigeante de la Résistance, elle ne manquait pas de courage et de cran! Le peintre se souvenait encore de sa rencontre, du temps où il devait faire son service militaire. C'éait à ce moment là qu'Alyss lui avait fait par de ses opinions concernant l'Empire, et qu'il avait adhéré à ses convicitions.

La porte s'ouvrit, et l'artiste entrevit une silhouette élancéee par la porte ouverte d'où se déversait une lumière qui l'aveuglait, n'y étant plus habitué après les heures passé dans son atelier longé dans la pénombre. Alyss était petite et trapue. Ce n'était pas elle.
Le jeune homme blond se leva prestement, ne cherchant même pas à camoufler le tableau. La fatigue, peut-être, la joie, aussi, lui auront fait oublier l'importance de celui-ci. Avec lassitude, Gabriel prononça quelques mots à l'adresse de l'inconnu.

"Il me semble que je ne vous connaîs pas. Qui êtes-vous?"

Certes, l'entrée en la matière n'était pas très originale, mais elle avait le mérite d'être claire. Bien sûr, si l'inconnu avait pour intention de tuer le peintre Impérial, cela ne servait absolument à rien, mais ce qui était fait était fait. Gabriel se demanda nerveusement quelles étaient les chances pour que son interlocuteur soit amical, et, dans le cas probable d'une agression de la part de celui-ci, les chances pou qu'Alyss intervienne et lui donne un coup de main. On ne pouvait pas dire qu'il était en position de force, après tout...